Olivier Bessy : " Une montagne plus résiliente "
Spécialiste des questions sur les pratiques outdoor et le développement touristique en montagne, le sociologue Olivier Bessy présentera une conférence en ouverture du congrès de Pau samedi 11 novembre. Titrée " La montagne en transition. Pourquoi et comment repenser le modèle de développement des territoires de montagne ", son contenu sera au cœur des discussions de ce congrès.






Dans vos travaux de recherche, vous pointez le fait que la réponse apportée par le milieu de la montagne aux problématiques posées par le changement climatique sont inadaptée. Pourquoi ?
Olivier Bessy : Le modèle de développement des territoires de montagne est encore très tourné vers celui de la station de ski, mais ce modèle est à présent remis en question. Il repose sur un mythe techno-économique et un contre-sens socio-environnemental. On croit que la technologie va apporter des solutions et permettre aux territoires de s'adapter, via l'exploitation des canons à neige, mais ils ne sont que des pansements, et ces solutions technologiques ne fonctionneront pas pour tous les territoires de montagne. De plus, cette approche nie complétement la problématique de l'approvisionnement en eau, en énergie et les tensions qu'il y a autour. Enfin, ces solutions ne prennent pas en compte l'évolution de la clientèle, qui recherche plus d'authenticité. Nous sommes dans le déni, la vraie question à se poser est " quelle montagne voulons-nous demain ?"






Pourtant, des outils de projections climatiques permettent aux stations de ski de mieux anticiper le risque climatique et se préparer en conséquence. N'ont-elles pas encore de beaux jours devant elles ?
O. B. : Certes, le problème ne se pose pas de la même manière et avec la même urgence pour une station de moyenne montagne et une station d'altitude, et entre une station alpine et pyrénéenne. Cependant même les grandes stations d'altitude verront leur fonctionnement perturbé par le réchauffement climatique, qui contraindra l'exploitation des canons à neige; et dans les Pyrénées en particulier, où le réchauffement est très rapide. De plus, le modèle qui repose uniquement sur une station comme entité touristique structurant la destination est devenue obsolète. C'était celui de l'or blanc : des emménagements, en lien avec des projets immobiliers, ayant pour but d'augmenter la taille de la station pour générer de la fréquentation, mais cela génère des lits froids. C'est une fuite en avant.






Quel modèle de développement serait compatible avec ces évolutions climatiques et sociales ?
O.B. : Il n'est pas question de rayer l'économie du ski, aujourd'hui elle génère des emplois et apporte de la vie sur les territoires de montagne, mais il faut progressivement en sortir. Pour la grande majorité des territoires de moyenne montagne, il s'agit de passer à une logique de destination, où la station n'est qu'un des éléments de leur attractivité touristique. Elle reposerait sur un tourisme à la fois sportif, culturel, patrimonial, de bien-être… C'est ce qu'on appelle le tourisme " quatre saisons ", bien que pour la montagne, l'idée d'un tourisme " deux saisons " serait plus juste. Ce modèle est intéressant à développer mais devrait aussi céder la place à un autre modèle, celui d'une montagne habitée. C'est un changement de paradigme, où la montagne devient un espace de vie, avec un maillage économique, de la multiactivité, des tiers-lieu, des équipement culturels, sanitaires. On y viendrait plus seulement pour pratiquer des activités récréatives, mais aussi pour y habiter. Nous passerons d'une montagne résistante à une montagne résiliente.
Dans cette perspective, quel doit être le rôle de la FFCAM ?
O. B. : Ce congrès peut amener des pistes de réflexion pour construire un nouveau rapport aux territoires de montagne. Nous entretenons une relation très consumériste, qu'il faudrait muter pour y intégrer davantage d'inclusion sociale et de respect de l'environnement. Face à ces problématiques de transition, la FFCAM a toute sa place, car elle développe des pratiques récréatives en montagne, gère des refuges, organise des évènements. En tant qu'acteur historique qui a vu évoluer la montagne, elle est légitime pour se positionner.