Lac du Pavé : observation et préservation d'un lac sentinelle
Lors de l'inauguration du nouveau refuge du Pavé au début de l'été 2024, une attention particulière avait été portée sur le lac éponyme. Source d'eau pour le nouveau bâtiment, mais aussi et surtout plus jeune lac glaciaire des Alpes, le lac du Pavé est une sentinelle précieuse que les scientifiques observent depuis 20 ans.






Niché au pied de spectaculaires parois rocheuses au cœur du parc national des Écrins, le lac du Pavé est le plus haut lac du massif avec ses 2841 mètres d'altitude. Il est aussi le lac glaciaire le plus jeune des Alpes puisqu'il est apparu il y a moins de 80 ans. L'an dernier, lors de l'inauguration du nouveau refuge du Pavé, un focus avait été porté sur ce trésor de haute altitude afin d'expliquer dans quelle mesure le refuge peut compter sur cet apport hydrique et d'informer sur l'intérêt scientifique de cet écosystème fragile. Alors que s'ouvre la deuxième saison d'exploitation du nouveau bâtiment, le lac du Pavé s'affirme encore et toujours comme une pépite à protéger.
Un observatoire grandeur nature
Créé pour améliorer la compréhension des lacs d'altitude à l'échelle alpine, le réseau Lacs sentinelles est animé par le Conservatoire d'espaces naturels de Haute-Savoie (Asters) et l'Office français de la biodiversité (OFB). Ce réseau suit l'évolution d'une trentaine de lacs des Alpes françaises, parmi lesquels figure celui du Pavé. Apparu dans les années 1950 suite à la fonte d'un glacier, le lac du Pavé est un objet d'étude particulièrement intéressant car il permet aux scientifiques d'observer l'évolution d'un lac d'altitude quasiment depuis sa naissance – même si le suivi n'a commencé qu'en 2006. "Dans les Écrins, le lac du Pavé est actuellement celui qui est le plus étudié", précise Cyril Coursier, technicien patrimoine au parc. "C'est un véritable observatoire pour savoir comment la vie apparaît et évolue dans un milieu aquatique d'altitude, mais aussi pour prendre la mesure du changement climatique."
Des recueils de données sont ainsi régulièrement effectués afin d'alimenter les bases de données scientifiques. Les lieux étant difficilement accessibles (5 heures de marche), l'OFB missionne les techniciens du parc des Écrins pour prélever des échantillons une fois par mois. "Ces prélèvements sont réalisés lorsque le lac est libre de glace et de neige, c'est-à-dire de mi-juillet jusqu'à mi-novembre. Il y a à peine plus de 10 ans, le lac n'était libre que du 15 août au 15 octobre", indique Cyril Coursier, soulignant ainsi l'impact très visible du réchauffement climatique. Les relevés de température témoignent aussi de l'évolution rapide avec un passage de 4 à 12°C en surface en quelques années seulement. D'autres données sont recueillies, notamment les mesures de pH et l'étude du zooplancton et des diatomées.






Un milieu naturel sensible
La rénovation récente du refuge du Pavé a soulevé une question classique en haute montagne : où trouver les ressources nécessaires pour assurer le bon fonctionnement du bâtiment et l'accueil du public ? Alors que de nombreux refuges sont confrontés à la pénurie d'eau, le Pavé se révèle plutôt serein en la matière. "Le refuge utilise le captage situé à quelques mètres du lac et peut prélever la quantité qu'il souhaite : le lac débite plusieurs millions de mètres cubes par an et le refuge n'en prélève qu'une infime partie", indique Cyril Coursier. "Ces prélèvements ne constituent pas un problème pour l'écosystème pour l'instant."
Quid de l'impact de la fréquentation du territoire, en augmentation depuis l'ouverture du nouveau refuge ? En 2024, un arrêté interdisait tout canotage sur la totalité des lacs du parc national, mais autorisait la baignade. "Ce n'est pas la baignade qui perturbe le plus les milieux lacustres, en particulier s'ils se caractérisent par une bonne circulation et un bon renouvellement de l'eau, comme au Pavé", poursuit Cyril Coursier. "Ce sont vraiment les embarcations qui ont navigué dans d'autres eaux qui peuvent introduire des espèces exogènes et perturber l'écosystème." Néanmoins le parc des Écrins ne recommande pas de se baigner dans les lacs d'altitude qui restent des écosystèmes fragiles et sensibles aux moindres perturbations. De nombreuses actions de sensibilisation et d'information (interventions au sein des refuges, signalétique au départ des sentiers, ressources sur le site du parc…) sont d'ailleurs menées pour informer le grand public sur les bonnes pratiques à adopter afin de protéger non seulement le milieu naturel, mais aussi de permettre aux scientifiques de bénéficier d'observatoires privilégiés.