L'accidentologie en ski de randonnée






Les premiers résultats de l'étude menée par Maud Vanpoulle, dans le cadre d'une thèse, donnent de précieuses informations – rétrospectives, mais aussi préventives – sur l'accidentologie en ski de randonnée.
Aspirant guide, encadrante au sein du club FFCAM Lead the climb, Maud Vanpoulle est assistante de recherche en accidentologie des sports de montagne à l’Université Claude Bernard Lyon 1. Salariée doctorante de la fondation Petzl, elle étudie les accidents d’alpinisme, d’escalade et de ski de randonnée afin de mieux les connaître. Objectif ? Affiner la compréhension des processus menant à l’accident dans les pratiques de montagne, en termes de scénarios typiques, de facteurs de risques récurrents et de profils de victimes, pour dégager des pistes de prévention concrètes.
L’état des lieux
Le travail de Maud Vanpoulle se base principalement sur l'analyse de la base SERAC (*), où figuraient 162 récits d’événements non souhaité (ENS) en ski de randonnée. Premier enseignement : les accidents sont majoritairement liés à des avalanches (65% des cas), intervenant lors de la descente, puis à des chutes ou à des déséquilibres (21%).
Les facteurs contribuant à l’événement : l’humain au cœur du risque…
Dans presque la moitié des récits (49%) sur lesquels l’auteure a travaillé, l’accident se produit parce que les skieurs, malgré la perception d’un risque, ont maintenu leur engagement : "dans les événements d’avalanche plus qu’ailleurs, les pratiquants décrivent percevoir le danger, ou du moins l’intuition que quelque chose ne va pas, mais ils "y vont quand même". Les explications de ce maintien de l’engagement en "connaissance de cause" sont multiple. Maud Vanpoulle relève notamment "l’influence sociale" (présence de traces dans une pente), l’évolution sur une section considérée comme facile ou peu dangereuse, entraînant une baisse de la vigilance, la familiarité du terrain, un BERA (Bulletin d’Estimation du Risque d’Avalanche) rassurant, ou encore la proximité de remontées mécaniques…
Le poids du choix le moins coûteux, ou le plus rapide, semble par ailleurs une piste d'explication intéressante pour l’auteure quant au fait de s’engager en connaissance de cause dans un terrain perçu comme risqué. Maud Vanpoulle évoque l’engouement contemporain pour la rapidité et l’influence d’une certaine "culture de la vitesse". "La pratique de l’alpinisme, remarque-t-elle, est marquée par la rapidité, les enchaînements, la recherche de la légèreté du matériel permettant d’aller plus vite, les temps réalisés pour telle ou telle ascension. Depuis Gaston Rébuffat, Christophe Profit, et plus récemment Kilian Jornet, Uëli Steck, Paul Bonhomme ou encore Alex Honnold, de nombreuses figures médiatisées de l’alpinisme se démarquent par l’enchaînement de la quantité de voies qu’ils sont capables de réaliser en un temps réduit."
Si les situations critiques sont souvent le fruit de l’interaction de facteurs multiple, Maud Vanpoulle se refuse à établir des explications systématiques d’accidents, évoquant plutôt "la présence de dynamiques accidentogènes se mettant en place." "C’est bien souvent, explique-t-elle, suite à un enchaînement de petites décisions sans conséquences apparentes, encouragées par différents facteurs contributifs s’auto renforçant et impactant la perception des dangers, que les participants se retrouvent dans une situation critique où une dernière inadéquation (le virage au mauvais endroit, le déséquilibre) termine de déséquilibrer une situation déjà sous tension, et abouti à l’accident. On assiste à une dynamique d’entonnoir où les marges de manœuvre se réduisent au fur et à mesure et où une cascade d’événements se met en place poussant finalement le pratiquant vers une dernière "erreur" souvent mineure considérée isolément".
Prévenir les accidents : des pistes préventives…
La dernière partie de l’étude porte sur l’avenir, avec un objectif : permettre une réflexion sur l’expérience vécue, par soi-même ou par les autres, à partir de situations réelles. Maud Vanpoulle suggère cinq pistes : s’astreindre à rechercher dans l’environnement et dans le groupe les indices défavorables ; identifier les biais de l’évaluation du risque (attachement à l’objectif fixé, investissements antérieurs effectués, effet de groupe, report de l’analyse personnelle sur des éléments extérieurs rassurants, etc.) ; soigner les questions de la communication et du leadership ; ralentir pour gagner du temps, etc. Enfin, ne pas hésiter à avoir recours aux outils d’aide à la décision en ski de randonnée comme le 3X3 de Munter et le NivoTest…
Pour en savoir plus et télécharger l'étude.
Créée en 2016 en collaboration avec l’Université Claude Bernard Lyon 1, la fondation Petzl et la communauté Camptocamp, SERAC (dont la FFCAM est partenaire) est une plateforme de partage d’expériences destinée à collecter et diffuser les histoires individuelles d’accidents, mais aussi d’incidents ou de situations critiques rencontrées en montagne, pour en tirer collectivement des apprentissages. Le but de ce travail est d’apprendre collectivement des expériences de chacun, qu’elles soient le résultat d’accidents graves ou bénins.