Quels refuges dans la montagne de demain ?

Les refuges au cœur des transitions », tel était le thème des rencontres franco-italiennes organisées à Briançon du 7 au 9 décembre dernier par la FFCAM, le Parc national des Ecrins, le Syndicat national des gardiens de refuges (SNGRGE), et l'Université de Grenoble. Les Actes viennent de paraître.

T. Maillet - Parc national des Ecrins ©T. Maillet - Parc national des Ecrins
Une série de rendez-vous

Le principe d'un colloque autour des refuges n'est en soi pas nouveau, puisqu'il s'agit du septième du nom depuis Rosuel en 1986 : cette réflexion briançonnaise a donc replacé le sujet dans le contexte de transition de la montagne mais aussi de changements économiques et sociaux que nous vivons aujourd'hui. « Nous pouvons nous réjouir d'avoir ici une communauté d'acteurs qui partage des constats communs, sans désaccord sur les enjeux », a commenté Ludovic Schultz, directeur du Parc national des Ecrins : ainsi, le changement climatique bien sûr, mais aussi le questionnement du paradigme du tourisme, l'inflation, la demande croissante pour le plein air, l'évolution des missions et fonctions des refuges, du métier de gardien, ou encore les injonctions réglementaires parfois inadaptées à la réalité des bâtiments, ont été parmi les sujets abordés qui impactent les refuges actuels, et questionnent ceux de demain. 

 

« Le sujet du refuge, c'est le sujet de la montagne »

Prenons quelques exemples : comment arbitrer entre l'inflation des coûts de construction et d'entretien (comme dans tout le secteur du bâtiment) comme des denrées alimentaires, la demande de confort des usagers, les normes de sécurité plus exigeantes, tout en contenant le tarif pour que le refuge reste accessible à tous et ne pas tendre vers une prestation haut de gamme ? Dans un autre registre, quelle place 

pour ces bâtiments dans un contexte climatique où la ressource en eau peut se tarir, les itinéraires d'alpinisme ne plus se pratiquer, tout en justifiant une construction et un approvisionnement majoritairement héliporté ? « Le sujet des refuges, c'est le sujet de la montagne », répond Nicolas Raynaud, co-président de la FFCAM. Un débat a ainsi été organisé autour de l'impact carbone des refuges, que ce soit celui des visiteurs ou des bâtiments eux-mêmes : on s'y rend compte que, contrairement aux idées reçues, la construction est finalement moins émettrice que l'exploitation. Pour autant, le refuge est un objet relativement vertueux, puisque très sobre en consommation énergétique et respectueux de la ressource en eau. Le principal sujet sur lequel l'impact carbone pourrait notoirement baisser, c'est celui de la consommation de viande dans les repas servis au refuge, a-t-on pu entendre lors de la table ronde consacrée au sujet : rien d'étonnant lorsqu'on sait que les émissions de GES de l'ensemble de la filière industrielle de production de viande représentent 51% du total d'émission de GES…

Nicolas Raynaud ©T. Maillet - Parc national des Ecrins Nicolas Raynaud ©T. Maillet - Parc national des Ecrins
Agir sur les leviers législatifs et financiers

En conclusion de ces trois journées riches d'échanges, il ressort qu'il y a une vraie responsabilité à agir, notamment sur les aspects réglementaires et financiers : « il faut se battre pour que la montagne soit une préoccupation politique, et de fait qu'il y ait des lignes budgétaires", conclue Nicolas Raynaud. « Nous souhaitons que le colloque ne soit pas qu'un évènement politiquement correct, mais qu'il soit suivi d'actions concrètes », a appelé quant à elle Béatrice Grelaud, co-présidente du SNGRGE. Appel entendu par les institutions présentes à la conclusion : « construisons dès à présent un agenda des problèmes ciblés, avec des solutions concrètes et opérationnelles à mettre en œuvre à court et moyen terme », a proposé Nicolas Gouvernel, Commissaire-adjoint du massif des Alpes. Avec une autre proposition commune : élargir la fonction d'intérêt général d'abri des refuges de montagne, à une mission d'éducation à l'environnement. Les refuges deviendraient ainsi des lieux de transmission et d'éducation à la culture « montagne », d'éducation à la sobriété, au vivre-ensemble et à la protection de l'environnement montagnard. Vaste programme... 

 

Quel futur pour les refuges ?

Et le refuge de demain ? Cette question a beaucoup fait débat, entre « des refuges camp de base proches des vallées et des refuges très simples à fonction d'abri plus près des pratiques d'alpinisme », relève Philippe Bourdeau, chercheur à l'Université de Grenoble. Alors, du simple abri pour les alpinistes au refuge « technologique » (comme la Cabane du Mont Rose ou le Goûter), à l'avenir « refuge » se conjuguera nécessairement au pluriel ; cela sous-tend des solutions nécessairement différentes, selon les territoires, les modes de gestion, ou la fréquentation. Pour autant, ce refuge de demain prendra la forme d'un bâtiment extrêmement sobre énergétiquement, mettant en œuvre des principes constructifs efficients, et proposant un confort plus simple. Pour rester dans l'esprit montagne.