Refuge du Pavé : un défi technique en haute altitude
Après deux ans de travaux, le nouveau refuge du Pavé a ouvert ses portes en juin, à 2858 mètres d'altitude. Cet été marque ainsi la fin d'une aventure technique hors normes menée de concert par la FFCAM et les équipes de l'architecte Jean-Marc Aufauvre, en collaboration avec le Parc national des Écrins.






L'histoire du refuge du Pavé commence en 1970 lorsque le Club alpin français décide de construire un bâtiment à deux pas du lac du Pavé. A peine sorti de terre en 1971, l'édifice est emporté par une avalanche qui n'épargne que la cabane de chantier. Cette dernière servira de refuge jusqu'à l'année dernière. "En 2021, la Fédération m'a sollicité pour prendre en charge le projet de nouveau refuge", évoque Jean-Marc Aufauvre, architecte grenoblois qui imagine le bâtiment en intégrant les risques (avalanches, permafrost…) évalués au cours d'une phase d'études approfondies, avant de donner le coup d'envoi des travaux à l'été 2022.
Une situation exceptionnelle
Perché à près de 2900 mètres d'altitude, le refuge du Pavé est l'un des plus hauts du massif des Écrins et de France. "Pourquoi construire un bâtiment dans un lieu aussi haut et aussi isolé ?", interroge Nicolas Raynaud, co-président de la FFCAM. "La réponse est politique : la Fédération estime que la meilleure manière de protéger la montagne est d'amener les gens à mieux la connaître et à y vivre pleinement des émotions. Un refuge comme le Pavé est un outil d'éducation à la montagne. Nous ne sommes pas pour une montagne sanctuaire, mais pour une montagne vivante."
Le Pavé n'est cependant pas accessible au plus grand nombre : pour atteindre le refuge, il faut marcher 11 kilomètres et grimper 1180 mètres de dénivelée positive au cœur du somptueux vallon des Cavales. Un accès sélectif pour les randonneurs et particulièrement exigeant lorsqu'il s'agit de conduire un chantier avec tout ce qu'une telle situation implique en termes d'acheminement des outils et matériaux, mais aussi des ouvriers. Les équipes ont souvent essuyé des conditions difficiles et il a fallu composer avec une météo capricieuse et un créneau de travaux réduit à 4 mois par an. Un vrai challenge et une redoutable course contre-la-montre pour l'équipe projet composée de l'architecte, des artisans et de la maîtrise d'ouvrage de la FFCAM.
"Le positionnement et la protection du nouveau bâtiment ont nécessité des études poussées, notamment en modélisant toutes les avalanches possibles dans le secteur. Bien que l'emplacement choisi soit le moins à risque, il a fallu le concevoir de manière à supporter d'éventuelles coulées de neige", précise Jean-Marc Aufauvre, riche d'une longue expérience architecturale sur les Hauts Plateaux du Vercors et sur la rénovation du refuge de Temple Écrins. Le bâtiment de plain-pied est ainsi enterré sur deux faces et n'ouvre qu'à l'est et au sud afin de permettre à une éventuelle avalanche de passer par-dessus l'édifice sans l'emporter. Lové au pied de hautes faces rocheuses, le refuge s'intègre au paysage minéral de haute montagne grâce à une architecture soigneusement étudiée.
Un impact environnemental maîtrisé
"Le choix du béton a été critiqué. Pourtant, c'est un matériau qui a tout son sens dans cet univers et nous avons opté pour des méthodes limitant énormément les rotations d'hélicoptère", indique Jean-Marc Aufauvre. Grâce à la présence d'eau et de pierre sur place, seul le ciment a dû être héliporté. Le béton a, quant à lui, été fabriqué sur le chantier. "Le bois a été choisi pour sa chaleur et sa rapidité de mise en œuvre", ajoute l'architecte qui ajoute, un brin amusé : "Le refuge est en fait une grande boîte à chaussures en béton dans laquelle on a créé des compartiments en bois." Le résultat est à la hauteur des ambitions initiales : le bâtiment se fait discret dans son environnement minéral, mais recèle un intérieur chaleureux et un panorama saisissant grâce aux larges baies vitrées de la façade sud.
Comme tous les refuges de montagne, la question de l'énergie et des déchets s'est imposée dans toute sa complexité. Répondant aux exigences du programme établi par la FFCAM, l'architecte s'est appuyé autant que possible sur les ressources locales. "Nous avons réalisé un captage près du lac sans l'impacter car il est un écosystème exceptionnel et récent que les scientifiques du Parc des Ecrins étudient", poursuit Jean-Marc Aufauvre. "Un fondoir a dû être installé pour l'hiver et le printemps, lorsque le captage est gelé." Une fosse septique autonome, des panneaux photovoltaïques pour l'électricité, un groupe électrogène uniquement destiné aux situations critiques, une production d'eau chaude solaire pour les besoins du gardiennage, de la cuisine et quelques douches, un poêle à bois dans la salle commune pour le chauffage, des toilettes sèches et, enfin, une chaudière à granulés en guise d'appoint : les équipements répondent à des critères environnementaux et imposent des contraintes en matière de conception et de maintenance du bâtiment.
"La question de l'impact est cruciale, bien entendu. Mais il ne faut pas se leurrer : construire un bâtiment de 195 m2 à 2900 mètres d'altitude a nécessairement un impact. Nous l'assumons cependant car, à nos yeux, un tel outil d'éducation à la montagne a un sens", affirme Nicolas Raynaud. Un sens partagé par le Parc national des Écrins qui peut désormais s'enorgueillir d'un refuge si ce n'est exemplaire, tout au moins emblématique d'une démarche responsable et acteur de la sensibilisation à l'environnement grâce à son intégration dans le dispositif "Refuges Phares pour l'Environnement".
L'inauguration officielle du nouveau refuge du Pavé se déroulera le 27 août 2024.
Le refuge est ouvert de juin à septembre, ainsi qu'en mars et avril. Il compte 30 couchages et exige 4 à 5 heures de marche depuis le Pied du Col, à Villar d'Arène. Il est gardé par Pauline Muller.
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