Géologie

Pourquoi des géologues au Comité scientifique ?

La Meije

La géologie, c'est l'étude de l'histoire de la Terre, telle qu'elle s'est imprimée dans les roches. Et s'il y a bien un milieu directement en contact avec les roches, c'est celui des alpinistes et randonneurs, qui tout naturellement cherchent à lire la structure d'un bloc ou d'une paroi, ou à comprendre l'architecture de la montagne ou du massif qu'ils ont sous les yeux. Tous, lorsque nous grimpons, nous faisons de la géologie, avec un vocabulaire plus ou moins imagé et exact: beaucoup font la différence entre grimper en calcaire ou sur du granite, ou sur un gneiss (qui a fait par exemple la Meije a sûrement ressenti le changement de style au passage de la vire du Glacier Carré : granite en dessous, gneiss au dessus).

Plus généralement, les montagnes sont des lieux privilégiés pour le scientifique qui cherche à comprendre, voire à prédire l'évolution de notre planète. Hauts reliefs recreusés par l'érosion, les montagnes donnent directement accès à la structure de la croûte terrestre, à son histoire, aux processus mis en oeuvre dans la "machine Terre". Hauts reliefs, elles ont une forte influence sur les circulations atmosphérique, donc sur le climat. A l'échelle de notre histoire, leurs glaciers enregistrent pollution et changements climatiques et la stabilité de leurs versants conditionne l'activité humaine. Aussi n'est-il pas surprenant que les premiers alpinistes aient gravi les sommets d'abord par curiosité naturaliste, que scientifiques et alpinistes se soient souvent associés dans l'exploration des montagnes du globe, et que les expéditions anciennes aient souvent incorporé un échelon scientifique où les géologues avaient une place de choix (tel P. Bordet et M. Latreille lors de la conquête du Makalu en 1953-54).
C'est dans cette optique qu'une part importante de l'activité du Comité Scientifique de la Fédération française des clubs alpins et de montagne en Sciences de la Terre a consisté à organiser et à réaliser des expéditions mixtes en Himalaya où alpinistes et scientifiques se complétaient. Ainsi ont eu lieu plusieurs expéditions, telles Baltoro 1984, Biafo-Hispar 1986, Pumari Chhish en 1988, Himlung Himal en 1997. Pour ne prendre qu'un exemple, lors de l'expédition au Pumari Chhish (deux géologues, J. Biju-Duval et A. Pêcher, un groupe d'alpiniste mené par J. Kelle), des échantillons ont pu être récoltés tout le long de la voie d'ascension, entre 3 800 m et 7 200 m d'altitude, ce qui a permis de déterminer la vitesse de montée des roches de cette partie du Karakorum entre - 6 millions d'années et aujourd'hui (près d'1 mm par an).

Mais en pratique, même si certains scientifiques étaient eux-mêmes des alpinistes de bon niveau, ce sont surtout eux qui ont profité de cette démarche, grâce aux échantillons rapportés des sommets. Depuis quelques années nous cherchons d'avantage à mettre la compétence des géologues au service de la curiosité des montagnards : il s'agit par exemple de développer un rôle de conseil auprès des clubs qui seraient intéressés (conférences, renseignements pour une préparation d'expédition...), ou à mettre au point des livrets de présentation géologique de massifs pour randonneurs et alpinistes, en liaison avec les Parcs nationaux (Ecrins, Vanoise..). Sans renoncer aux expéditions lointaines, c'est surtout cette activité de "consultants-vulgarisateurs" que nous aimerions développer dans le futur grâce à l'outil Internet.

Jean-Michel Bertrand (Chambéry)

Bérarde

Alpes du Haut Dauphiné, rive droite des Etançons et cirque du Soreiller. Sur ce paysage, bien connu de nombreux alpinistes, on voit nettement des gneiss (roches sombres) restés en lambeaux entre deux "bulles" de granite, les granites des Etages et de la Bérarde, deux granites légèrement différents par leur chimie et par leur âge, mais très proches pétrographiquement), ou en chapeau au toit de ces granites (Plat de la Selle, Plaret).