Rencontre avec l'équipe de France d'escalade sur glace
L'escalade sur glace s'offre une devanture dorée grâce à nos athlètes en équipe de France.Organisée chaque année depuis 2002 par l'Union Internationale des Associations d'Alpinisme (UIAA), la coupe du monde d'escalade sur glace a le vent en poupe. Cette discipline à part entière fait la une avec Louna Ladevant qui a remporté la 1ère place au classement général du circuit de coupe du monde en janvier 2023 et qui a été sacré champion du monde en escalade sur glace en janvier 2022. La discipline jaillit de mille feux avec ses autres membres de l'équipe de France aux exploits sportifs fulgurants sur ces étapes de circuit mondial. Qui sont-ils ? Rencontre avec les frères Ladevant, Marion Salmon-Thomas et Virgile Devin.
Cette discipline demande technique, précision et entraînement sur une structure glacée qui demeure éphémère, comment avez-vous débuté dans cette pratique et d'où venez-vous ?






Virgile : J'ai 22 ans aujourd'hui. J'ai grandi à Aix-les-Bains. Puis, sur Grenoble, j'ai découvert l'alpinisme avec l'école de jeunes d'aventure du club alpin de Grenoble, encadrée par des guides de haute montagne. J'ai aussi intégré une équipe jeune alpinisme départementale, ce qui m'a donné envie d'aller plus loin dans ma pratique. Vers 17 ans, j'ai commencé le mixte, une pratique où l'on progresse en utilisant crampons et piolets pour grimper dans un environnement mixte, composé de glace, de neige et de roche. J'ai été attiré très rapidement par cette pratique. J'ai fait mes études à Grenoble en DUT mécanique. Aujourd'hui, je travaille à mi-temps pour me laisser du temps pour mes entraînements, au moins 5 fois par semaine. Pierre Alexandre Keller est mon entraîneur depuis 4 ans.
Tristan : J'ai 25 ans, j'ai grandi dans la vallée de l'Ubaye, vers Barcelonnette dans les Alpes-de-Haute-Provence avec Louna, cela fait plus de 10 ans que je grimpe et c'est ma 8ème saison sur le circuit en coupe du monde. On a commencé à grimper lors d'un forum initiation à Barcelonnette. Lorsque j'avais 13 ans, nous avons emménagé à côté de Grenoble, et on grimpait avec Louna tous les jours au club alpin de Grenoble. On a fait notre scolarité à la maison et on a toujours privilégié notre vie dans la nature. En parallèle de nos entraînements d'escalade, tous les deux, nous poursuivons la formation pour le monitorat de ski et nous souhaitons la terminer prochainement. Plus qu'un style de vie, notre leitmotiv est que si tu veux quelque chose, donne-toi tous les moyens pour y arriver ! Alors, on a pris la décision de ne pas faire d'études pour se consacrer entièrement à nos passions outdoor et à nos entraînements en ski, en escalade sur glace et en escalade.






Louna : J'ai 22 ans. Avec mon frère, nous nous sommes pris de passion pour la montagne, l'escalade et l'escalade sur glace plus particulièrement, après avoir arpenté avec notre mère dans cet environnement depuis notre enfance. Nous avons poursuivi notre style de vie, et nous avons continué de pratiquer en progressant, en nous entrainant régulièrement, sans nécessairement être issus d'une famille de grimpeurs. En fait, nous avons mis tout en place avec notre famille pour nous y consacrer pleinement. Des images de festival de montagne ont également renforcé cet appel de la montagne. Avec Tristan, nous avons été soutenus à nos débuts par Arkose, que nous tenons à remercier. Arkose continue aujourd'hui de nous accompagner dans nos projets. Aussi, notre entraîneur Rémi Samyn, nous suit à distance et il nous accompagne dans nos ambitions.
Marion : J'ai 27 ans, j'ai débuté l'escalade vers l'âge de 8 ans, à commencer par grimper sur le mat du bateau de mon père. J'ai fait plus de 10 ans de la compétition, j'étais au club de la dégaine à Lyon. Le club nous emmenait régulièrement en sorties extérieures, c'était un peu comme l'école de la vie outdoor où j'ai découvert la grimpe sous toutes ses formes. Un jour des amis de la sélection nationale de dry-tooling m'ont emmenée avec eux et j'ai adoré ! J'ai toujours pratiqué en parallèle la compétition et la pratique en extérieur, c'est un équilibre dans lequel je me sens bien. La compétition est un des rares endroits où je suis pleinement dans l'instant présent, c'est un moyen d'expression où j'attache autant d'importance à la manière qu'au résultat. L'outdoor m'est ressourçant et je le partage avec mes proches. J'ai pu combiner avec les études aménagées pour mes entraînements au sein de Grenoble INP où j'étais accompagnée par leur Fondation. Aujourd'hui, je travaille à mi-temps chez Danone pour dédier plus de temps à ma passion et à mes projets sportifs. J'en profite pour remercier les partenaires qui rendent cela possible notamment la station La Plagne qui s'est vraiment implantée dans le sport et c'est loin d'être négligeable, et aussi Simond qui m'habille tous les jours !
Vos retours sur ces étapes de coupe du monde ?






Marion : J'ai commencé à Champagny, cela est toujours particulier d'être à la maison et paradoxalement c'est une étape où je n'ai encore jamais réussi à m'exprimer pleinement. Peut-être que j'avais trop d'attentes envers moi-même. Cette année a été différente ! J'ai terminé 4ème des qualifications me permettant d'aller en finale en difficulté. Le plaisir était vraiment là et je suis soulagée, cela confirme mes choix effectués plus tôt dans la saison. Pour l'épreuve de vitesse, j'ai terminé 4ème à Champagny. Les russes qui dominent cette épreuve étaient absents, ce qui favorise sa place sur le podium. À Saas-Fee, j'ai donné le meilleur de moi-même dans ce parking enflammé à tous les étages avec une 2ème place en vitesse et en difficulté parmi les championnes. Je suis très heureuse ! C'est mon meilleur résultat en carrière, pour le moment…
Virgile : Je sens que j'ai le potentiel d'aller chercher des podiums mais il me manque encore de l'expérience. Je souhaite continuer les entraînements pour être au maximum de ma forme et savoir être performant au moment voulu pour m'exprimer pleinement techniquement. Je me sentais en grande forme, je voulais absolument aller en finale. Des erreurs d'inattention au mauvais moment m'ont amené à mon classement. C'est très technique et exigeant. À la moindre erreur, on perd l'équilibre et donc des places au classement !






Louna : Cela a mal commencé avec l'étape en Corée, difficile de rentrer serein dans cette compétition, avec des bagages perdus à l'aéroport et un piolet prêté cassé en pleine compétition ! Une grande frustration au départ, qui a généré de la pression sur les deux étapes suivantes. L'étape à Champagny s'est super bien passée, comme une revanche sur la Corée. Les étapes étaient tellement rapprochées, qu'à Champagny, j'avais le sentiment de n'avoir fait que la moitié du chemin, le plus dur restait à venir : performer à Saas-Fee ! Mais finalement cela s'est plutôt très bien terminé !
Tristan : Une saison particulière, extrêmement condensée et courte. Cela a demandé de la vigilance et beaucoup de pression à gérer pour ne pas se blesser ou tomber malade sur un laps de temps donné où l'on doit performer. Avec nos derniers résultats de ces dernières années, on a sans doute moins de choses à prouver mais notre objectif de base était de décrocher tous les deux une place sur le podium au classement général. J'arrive au pied du podium avec ma 4ème place, l'objectif est presque atteint. À Saas-Fee, j'ai zippé* très bas dans la voie, une erreur technique avec un léger déséquilibre qui ne pardonne pas, je suis tombé ! Une ambiance de folie dans ce parking lors de la compétition où les spectateurs sont si proches de toi lorsque tu évolues qu'elle en est transcendante.
Quels sont vos prochains projets ?






Virgile : Je souhaite partir grimper en mixte au Ben Nevis en Écosse avant la coupe d'Europe en Finlande. Et poursuivre en allant à l'examen probatoire du guide de haute montagne cette année 2023, en mars. L'année prochaine : je voudrais continuer la compétition et décrocher une place au top 5 au classement général ! J'ai deux rêves, la voie de mixte « No siesta » dans la face nord des Grandes Jorasses, et la « Rhem-vimal » aux droites, quand les conditions seront là et quand je serai prêt pour y aller.
Louna : J'ai comme projet d'enchaîner la voie « le cadre » à Céüse. C'est un 9a que j'ai travaillé l'année dernière, mais le réussir et enchaîner cette voie mythique dans une des falaises les plus connues au monde est un rêve ultime. Et bien sûr, je souhaite terminer le monitorat de ski ! Selon mon évolution professionnelle dans le monde de la compétition, je pense aviser avec les opportunités. En attendant, je voudrais continuer de pratiquer dans l'ensemble des disciplines sportives outdoor, le parapente, la grimpe, le ski, l'escalade sur glace pour vivre de ma passion. Je voudrais transmettre ces émotions positives tout en poursuivant ma vie d'athlète professionnel. Aussi, je souhaite trouver l'équilibre entre des projets qui demandent de grands engagements en étant très concentré, des projets outdoor où on engage le mental et le physique et alterner avec des séances d'entraînements moins engagées, des séances avec moins de contraintes où l'on se concentre davantage sur la préparation physique et où l'on peut se permettre de relâcher à minima le mental, comme en salle par exemple. À terme, je veux rentrer en formation de guide de haute montagne.






Tristan : Je cherche le dosage entre la compétition et la vie en nature où l'on pratique une pluralité de sports outdoor. Je souhaite m'investir pour passer le diplôme de guide de haute montagne et terminer le monitorat de ski. J'ai des projets de voyages également. Nous avons déjà eu l'opportunité de faire deux beaux projets de voyage de grimpe avec Louna et deux amis. À l'issue de ces voyages, les deux films, retraçant nos aventures vont sortir bientôt, l'un se passe au Brésil, l'autre est un voyage en Europe à vélo. C'est une volonté de montrer que l'aventure est accessible avec un budget réduit à 780e pour 3 semaines en road trip, où l'on grimpe dans les Dolomites dans la face nord des Tre Cime, Bella vista et dans les Alpes Bavaroises. Nous étions partis avec Louna et deux copains, Symon Welfringer et Thomas Joannes. On a voulu relever le défi d'une aventure à moindre coût et raisonnée écologiquement. On a utilisé au maximum du matériel de seconde main, excepté le matériel personnel d'escalade où là, c'est interdit au niveau de notre propre sécurité. C'est un concept à encourager. On essaie d'être sur un métier d'athlète sensé avec des impacts réduits sur la planète et de réfléchir à des aventures en terre voisine, sans avion.






Marion : J'ai un style de vie qui s'adapte par rapport à mes objectifs sportifs. Aussi, j'ai une passion pour les voyages, en van aménagé, avec l'idée d'aller découvrir l'environnement qui m'entoure sans aller au bout du monde. C'est dans une logique respectueuse de profiter de l'environnement avec ce qui nous est offert à proximité. Je veux également évoluer en tant que sportive de haut niveau tout en trouvant l'équilibre pour bien vivre avec mes proches sans faire impasse sur ma vie personnelle. Mon objectif 2023-2024 en escalade sur glace est clairement d'aller chercher des marseillaises et un top 5 au classement général en circuit mondial et je voudrais poursuivre mes entraînements tout en étant soutenue avec des partenaires pour continuer l'aventure. Pour cela, nous avons besoin de la fédération qui apporte petit à petit une structure nécessaire pour nos entraînements. L'équipe est prête à monter en puissance. Plus personnellement, j'ai quelques projets de grandes voies en Maurienne notamment, des envies de triathlons et de trails, et je veux revenir dans le 8e degré en falaise. J'ai une voie qui me trotte dans la tête dans un spot incroyable magique « la Saume » dans le Briançonnais.
*zippé : en escalade, lorsque le pied en pression contre la paroi, glisse et qu'il perd contact avec la paroi, on dit que le pied a zippé.
Principaux résultats du circuit coupe du monde et du championnat d'Europe 2023
Escalade sur glace en difficulté 2023
Virgile Devin : 1er en coupe d'Europe à Brno, 5ème en championnat d'Europe au classement général, 8ème en coupe du monde de l'étape en Corée,6ème en coupe du monde de l'étape à Champagny en Vanoise, 8ème au classement général sur le circuit coupe du monde.
Louna Ladevant : 5ème en coupe du monde de l'étape en Corée, 1er en coupe du monde de l'étape à Champagny-en-Vanoise, 1er en coupe du monde de l'étape à Saas-Fee, 1er au classement général sur le circuit coupe du monde, Champion d'Europe.
Tristan Ladevant : 3ème en coupe du monde de l'étape en Corée,4ème en coupe du monde de l'étape à Champagny-en-Vanoise, 7ème en coupe du monde de l'étape à Saas-Fee, 4ème place au classement général sur le circuit coupe du monde.
Marion Salmon-Thomas : 2ème en coupe d'Europe à Zilina, 3ème en coupe d'Europe à Brno, 2ème en coupe du monde de l'étape à Saas-Fee, 8ème en coupe du monde de l'étape à Champagny-en-Vanoise, 8ème en coupe du monde au classement général
Escalade sur glace en vitesse 2023
Marion Salmon-Thomas : 2ème en coupe du monde de l'étape à Saas-Fee, 4ème en coupe du monde de l'étape à Champagny-en-Vanoise,3ème au classement général en coupe du monde.
Lucie Vadot